Un événement organisé par
Espace Presse REPLAYS

Inégalités sociales : la bombe est armée, il faut la désamorcer


Social & Démographie

La France traverse une crise silencieuse, mais déterminante, celle de la cohésion sociale. Le sentiment d’appartenance se délite et la confiance s’effrite. Derrière ce malaise se profile une cause majeure, la constante augmentation des inégalités. Cette fracture multiple, à la fois économique, territoriale et démocratique appelle une réponse lucide et structurante.

La question des inégalités en France ne se résume pas à une opposition entre riches et pauvres. Ce qui frappe, c’est un paradoxe. Notre pays est l’un des plus redistributifs de l’OCDE, et pourtant, le sentiment d’injustice sociale n’a jamais été aussi fort. Ces efforts ne compensent plus un déclassement progressif des classes moyennes et populaires. L’endettement des ménages français dépasse les 61 %, bien au-dessus de la moyenne européenne. Dans de nombreux territoires, la pression fiscale s’alourdit, tandis que les services publics essentiels reculent. Cette situation alimente l’idée d’un système à deux vitesses, où l’effort ne paie plus et où la réussite semble réservée à ceux qui disposent déjà de leviers existants. Il est temps de remettre l’égalité des chances au cœur du pacte républicain. Cela passe par un accès réel aux filières d’excellence, aux métiers d’avenir, à la formation. C’est par l’éducation et le travail que se construit la mobilité sociale et que renaît la confiance dans le progrès.

Ces inégalités sont trop souvent banalisées et provoquent un sentiment d’injustice affaiblissant le lien entre citoyens et institutions. 74 % des Français déclarent ne plus avoir confiance dans la politique. L’abstention progresse scrutin après scrutin. Les extrêmes de tous bords prospèrent sur ce doute généralisé, en simplifiant à l’excès les causes des fractures sociales et territoriales. Cette défiance est d’autant plus préoccupante qu’elle se nourrit de l’éloignement. Éloignement géographique d’abord, entre centres métropolitains et zones rurales ou périurbaines, mais aussi politique, entre une classe dirigeante perçue comme hors-sol, et des citoyens qui ne se sentent ni entendus ni représentés à l’instar des Gilets jaunes en 2018. C’est dans cette brèche que s’engouffrent les partis populistes, tirant profit de cette défiance pour prôner un retour à l’ordre et une reprise en main du pouvoir avec un discours de façade, sans véritable projet ni profondeur. 

Face à ces fractures, il ne suffit plus de constater, mais d’agir. Trop souvent, l’obsession de la concertation sans fin a remplacé l’autorité et l’efficacité de l’État. L’épisode des retraites en a été la démonstration. Au nom d’une « nouvelle voie », François Bayrou a laissé courir des mois de discussions pour une réforme vidée de son sens, qui a fini par décevoir tout le monde. Ce qu’attendent les Français, ce sont des choix clairs, assumés, validés démocratiquement. Réduire les inégalités ne passe ni par l’assistanat généralisé ni par des effets d’annonce à coups de chèques temporaires. L’État ne peut pas tout. Il doit concentrer ses efforts là où ils sont utiles, à travers des réformes structurelles qui garantissent la pérennité de notre modèle social. Ensuite, il faut redonner du sens au contrat social. Cela implique de responsabiliser chacun et rappeler que les services publics sont un bien commun. Ce qu’il faut, c’est un modèle de responsabilité, où chacun participe à l’effort collectif et en retire des perspectives concrètes. C’est une logique de gagnant-gagnant. Et un tel contrat exige de dire la vérité aux Français. On ne pourra pas améliorer durablement les rémunérations et financer nos priorités telles que la sécurité ou la justice en s’appuyant uniquement sur la dépense publique. La seule voie crédible, c’est de travailler plus pour créer de la richesse. Ce n’est pas une injonction, c’est une ambition nationale. Retrouver le chemin de la croissance par le travail, l’innovation et l’investissement, c’est aussi retrouver notre souveraineté collective.

Cela suppose également de partir du terrain. Il n’existe pas une France uniforme, mais des territoires aux réalités contrastées. Les besoins d’un centre-ville diffèrent profondément de ceux d’une commune rurale ou d’une banlieue périurbaine. Chaque territoire possède ses spécificités et nécessite une action publique sur-mesure. C’est tout le sens de la territorialisation, adapter plutôt qu’imposer un modèle unique. Mais cette logique de proximité exige de la clarté. Or, le millefeuille territorial actuel brouille le message, ralentit l’action et dilue les responsabilités. Cette complexité institutionnelle contribue à une véritable crise d’efficacité de l’action publique, où les décisions peinent à se traduire rapidement sur le terrain, fragilisant la capacité de l’État à répondre aux attentes des citoyens. Désamorcer la bombe des inégalités ne suppose ni démagogie, ni fatalisme. Cela demande au contraire une volonté politique forte, reposant sur des principes simples : valoriser le travail, récompenser l’engagement et accompagner la réussite, partout sur le territoire.