Où sont les gains de l’IA générative ? La commande publique comme cas d’école
Tech & Industrie
Selon KPMG, seules 11 % des entreprises du Fortune 1000 ont déployé des agents IA de manière significative dans leurs organisations. Plus de deux tiers des projets en cours restent à l’état de pilote. Dans les conseils d’administration, la question n’est plus seulement “comment tester l’IA ?”, mais “quels cas tiennent vraiment leurs promesses ?”.
Ma perspective est la suivante : ce sont rarement les applications les plus spectaculaires qui produisent de la valeur aujourd’hui. Ce sont celles qui s’attaquent aux flux massifs, structurés, répétitifs. Là où il ne s’agit pas d’inventer, mais d’extraire, transformer, rédiger, vérifier, compiler. Là où l’IA peut faire gagner une heure par jour à mille personnes — plutôt qu’impressionner cinq cadres dirigeants.
Chez Explain, nous avons fait un choix clair : concentrer nos efforts sur la commande publique, précisément parce qu’il est stratégique et sous-exploité.
Un pilier économique sous-automatisé
Pour des milliers d’entreprises, la commande publique est un levier commercial stratégique. Pour les États, c’est un outil de mise en œuvre de politiques publiques (industrielle, sociale, aménagement du territoires, transition écologique, etc.). Et pour l’économie dans son ensemble, c’est un enjeu économique immense : 13 % du PIB mondial, jusqu’à 40 % de la dépense publique.
Ce secteur concentre pourtant une complexité administrative considérable. Les appels d’offres sont longs, normés, procéduriers. Leur traitement coûte cher, aussi bien pour les entreprises que pour les acheteurs publics. Et surtout, ce système exclut de fait un grand nombre d’acteurs, faute de ressources pour y répondre. Aujourd’hui encore, en Europe, près d’un appel d’offres sur deux ne reçoit qu’une seule offre. Il y a là un gisement de productivité et d’équité largement inexploité.
Un cas d’usage où l’IA fait une vraie différence
L’IA change déjà cela. Pas en simplifiant arbitrairement les règles — mais en structurant les flux, en automatisant ce qui peut l’être, et en recentrant les efforts humains sur les décisions réellement stratégiques. Lire un cahier des charges, identifier les critères de recevabilité, rédiger une réponse conforme, vérifier la complétude d’un dossier : autant de tâches fastidieuses, standardisées, parfaitement adaptées à l’IA. Les premiers résultats montrent que l’on peut diviser par dix le temps et le coût de réponse à un appel d’offres. Cela suffit à changer l’équation économique pour des milliers d’acteurs.
Mais les effets de cette transformation vont bien au-delà du seul gain de temps. Plus de réponses, c’est plus de concurrence. Plus de concurrence, c’est plus de sélectivité et une meilleure dépense publique. Et une meilleure dépense publique, ce sont aussi des politiques plus efficaces, des projets mieux réalisés, et une confiance renforcée dans l’action publique.
Une transformation structurelle, pas spectaculaire
Nous ne sommes qu’au début de cette transition. Mais tout indique que la commande publique est l’un des cas d’usage IA les plus structurants à l’échelle macroéconomique. Parce qu’il s’agit d’un processus normé, à fort volume, où les données sont abondantes et les leviers clairs. Parce que les impacts positifs touchent à la fois la performance économique et la qualité du service public. Et parce qu’il ouvre un espace de transformation qui ne se résume pas à un effet “waouh” technologique, mais à des effets durables et mesurables.
Il est temps de regarder l’IA là où elle fonctionne déjà. Et d’assumer que certaines des plus grandes révolutions numériques à venir ne seront pas spectaculaires, mais cela ne les empêchera pas d’être profondes. La commande publique en est sans doute l’un des meilleurs exemples.