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« La RSE à l’épreuve des crises » 


Environnement

En période de crise, la RSE reste-t-elle une priorité pour les entreprises ? La crise sanitaire de 2020 avait suscité une prise de conscience écologique, mais les conflits et les troubles géopolitiques survenus depuis 2022 ont conduit à une période d’inflation et d’instabilité économique qui a fait passer les préoccupations sociales et environnementales des entreprises au second plan, se matérialisant par le report voire l’arrêt de leurs investissements. 

La RSE semble pourtant une exigence stratégique indiscutable : les investisseurs intègrent de plus en plus les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans leurs décisions, les consommateurs manifestent des attentes croissantes et de nouvelles obligations légales apparaissent, comme la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) qui s’impose depuis 2025 à des milliers d’entreprises.

On assiste en fait à des mouvements contradictoires : plus d’attentes et de réglementations d’une part, diffusion d’un climat anti-écologique et anti-social au niveau mondial d’autre part. 

D’après le dernier baromètre du cabinet Bain & Company de 2024, la préoccupation pour la transition écologique et sociale a baissé de près de 30% chez les dirigeants économiques, retrouvant ses niveaux d’avant Covid. L’inflation, l’instabilité économique et géopolitique, les mutations liées à l’intelligence artificielle font passer les enjeux de soutenabilité au second plan.

Est-ce un bon calcul de la part des entreprises ? Divers travaux montrent qu’un backlash écologique constitue une double erreur stratégique. Tout d’abord, le dérèglement climatique et les inégalités sociales ont des conséquences économiques néfastes, à court et à long terme. Les inondations (celles de Valence en Espagne ou du nord de la France) ou au contraire la sécheresse dans le sud, les mouvements sociaux ont un coût économique. Une vision étroite et court-termiste est donc un mauvais calcul.

Ensuite, les engagements et pratiques RSE permettent aux entreprises d’être plus résilientes. Dans un environnement turbulent marqué par des crises, les entreprises doivent faire preuve de résilience organisationnelle, c’est-à-dire qu’elles doivent développer une capacité de reconstruction continue qui repose sur des capacités collectives. Différents travaux montrent que les entreprises effectivement responsables sont aussi plus résilientes, notamment par la confiance qu’elles suscitent auprès de leurs parties prenantes. 

Se pose alors une deuxième question. Comment s’assurer que la RSE ne se limite pas à un discours, mais devienne un véritable levier de transformation, même en temps de turbulence ? Ce recul de la RSE en période de crise traduit sa fragilité et interroge sa nature même. De quelle RSE parle-t-on en réalité ? En fait il y a plusieurs approches en la matière. Pour reprendre les termes d’Yvon Pesqueux, on peut schématiquement opposer une « vieille » RSE inscrite dans un paradigme de « soutenabilité faible » (celui du business AND society où la vie des affaires est envisagée à côté de la société), et une RSE qui émerge après la COP 21, inscrite dans un paradigme de « soutenabilité forte » qui invite à remettre l’économie au service de la société, dans une logique Business IN Society. 

Tant que les stratégies RSE des entreprises s’inscriront dans un paradigme de « soutenabilité faible » tiré par leur soutenabilité économique, elles seront fragilisées par la moindre crise et ne pourront pas être un levier de transformation. 

La RSE est donc à la fois la solution mais aussi le problème. En restant un discours, elle masque l’ampleur des transformations à opérer et les réglementations comme la CSRD peuvent se limiter à des instruments de reporting et de communication sans capacité de transformation.

Changer de paradigme exige de remettre en question la finalité d’un système économique fondé sur la recherche infinie de croissance incompatible avec les limites planétaires. 

Cela suppose de repenser les modèles d’affaires des entreprises (quelle valeur veut-on créer ?), et d’adopter des modes de gouvernance et de management qui garantissent la concertation entre toutes les parties prenantes. Il faut donc clairement repenser le rôle des entreprises dans la société. Et là le rôle du politique est essentiel. Car il faut accompagner les entreprises dans leur transformation. Les normes doivent être appliquées, des sanctions doivent être prises. Il faut surtout éduquer, former, soutenir, protéger les initiatives, et promouvoir les modèles vertueux. 

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