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Ascenseur social, ascenseur économique, panne générale et repli sur soi ? 


Ecrite pas Samuel Jequier

Un constat : l’éco(nomie)-anxiété

Sujet du bac philo de cette année, la notion de progrès est, dans l’imaginaire collectif, associée à l’amélioration des conditions humaines et érigée comme un but en soi. Si le vocable du progrès est investi et réinvesti par le politique, les études d’opinions interrogent régulièrement les représentations des Français. Leur analyse permet d’identifier le progrès comme une notion chargée d’évocations positives en lien avec innovation et mieux-vivre, tout en illustrant l’émergence de tensions, notamment entre progrès social et technologique. Généralement moins investiguée, la question du progrès économique est au cœur de la dernière étude de l’Institut Bona fidé pour Mermoz, la revue du Cercle des économistes. Et elle met à jour un enseignement majeur : le progrès reste souhaitable, à condition qu’il soit à portée de main, ce qui aux yeux des Français, est loin d’être le cas. 

En effet, la notion de l’accessibilité au progrès est largement questionnée par l’opinion, et l’ascenseur social est loin d’être le seul en panne. Bien que diverses typologies de progrès aient été testées (médical, technologique, environnemental, social et économique), la mention « accessible à tous » ne recueille aucun taux supérieur à 50%. Le sentiment que le progrès est « réservé à une majorité » est largement dominant, notamment pour ce qui est du progrès économique. Ce dernier occupe ainsi un espace particulier dans l’opinion puisqu’il n’est perçu comme accessible à tous que par 26% de Français, quand les autres oscillent entre 41% et 46%. Si les Français sont davantage préoccupés par le champ économique c’est peut-être parce qu’il est la synthèse de tous les autres types de progrès. Il est également porté par un contexte de crise protéiforme : inflation, tensions budgétaires, déficit public, chômage, autant de facteurs qui alimentent un sentiment de déclassement, et plus globalement d’éco(nomie)-anxiété. 

Ce constat d’une opinion enclavée économiquement est le symptôme d’une projection pessimiste des Français dans un avenir incertain réactivant un réflexe de repli. 

Une réaction : le retour du protectionnisme dans l’opinion

Ce réflexe de repli se manifeste par une recrudescence de la posture protectionniste dans l’opinion. Alors que la France, au cours de son histoire, a oscillé entre libre -échange et protectionnisme, les offensives douanières de Donald Trump ont terminé de convaincre l’opinion : 65% des Français se positionnent en faveur d’une Europe protectionniste à l’avenir. 

Pendant que l’Union Européenne négocie des accords de libre-échanges avec le Mercosur, l’opinion publique se cristallise autour d’une anxiété pour son intégrité économique et valorise la riposte par mimétisme. Il faut dire que la crise du Covid avait déjà préparé le terrain. Les difficultés de production du matériel sanitaire avaient réactualisé le débat de la souveraineté industrielle et plébiscité le principe de réindustrialisation du pays. 

Ces questions de souveraineté et de bien-être économique voient se dégager une classe moyenne désenchantée, particulièrement sensible aux difficultés et désireuse de protectionnisme. Avec 82% des professions intermédiaires (contre 74% chez l’ensemble des Français) qui pensent que le progrès économique ne leur est pas accessible, la réaction à l’égard d’un nouveau danger est plus vive : 72% des Français dont les revenus mensuels par foyer sont de 2 500 à 4 000€ remettent en question le principe de libre-échange. S’établit alors une corrélation claire entre éco(nomie)-anxiété et repli sur soi.

Ce rapport des Français à l’économie, teinté de questionnements et d’incertitudes, rejoint une autre voie de réflexion étudiée dans ce numéro spécial des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence : l’économie est-elle encore utile ?

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