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Résilience de l’Amérique Latine et des Caraïbes : Réponses Régionales aux Défis Mondiaux


Géopolitique

Introduction

L’Amérique latine et les Caraïbes (ALC) sont confrontées à une combinaison persistante de problèmes structurels et de défis émergents qui ont freiné leur développement. Parmi les principaux obstacles figurent la pauvreté, l’exclusion, la corruption, l’endettement, la violence et l’instabilité politique, aggravés par des phénomènes mondiaux tels que la polarisation internationale, la rupture des chaînes d’approvisionnement, le changement climatique, la criminalité transnationale et les effets durables de la pandémie de COVID-19.

Transformations démographiques

Avec 663 millions d’habitants (CEPALC, 2024), l’ALC représente un peu plus de 8 % de la population mondiale. La région a connu une transition démographique inattendue, qui a accentué les inégalités structurelles : la proportion de la population de moins de 15 ans est passée de 41 % en 1950 à 22,5 % en 2024, tandis que la tranche d’âge des 15-64 ans a atteint 67,6 %. Le taux de fécondité a chuté à 1,7 enfant par femme, en dessous du seuil de remplacement (2,1). L’espérance de vie est de 78,9 ans pour les femmes et de 72,6 ans pour les hommes (2020).

Performance économique régionale

Entre 2015 et 2024, la croissance économique de la région a été faible (0,9 % en moyenne annuelle), avec une projection de 1,8 % pour 2025. Par sous-région : l’Amérique du Sud devrait croître de 1,5 %, l’Amérique centrale et le Mexique de 2,2 %, et les Caraïbes (hors Guyana) de 2,6 %. Les causes incluent une capacité fiscale limitée, la volatilité des prix des matières premières, une faible productivité et un faible niveau d’investissement, ainsi que des tensions géopolitiques. En 2024, les recettes fiscales moyennes représentaient 18,6 % du PIB, à peine mieux qu’en 2023.

Migration et vulnérabilité sociale

Le nombre d’immigrés en ALC a doublé, passant de 7 millions (1990) à près de 15 millions (2020). En 2024, environ 1,39 million de personnes originaires de 177 pays ont traversé le Mexique en direction des États-Unis, notamment des ressortissants du Venezuela, du Guatemala, du Honduras, de l’Équateur et d’Haïti. La migration est le reflet non seulement de la pauvreté et de la violence, mais aussi de l’échec des systèmes politiques et économiques à garantir des conditions de vie dignes.

Démocratie et processus électoraux

En 2024, des élections présidentielles ont eu lieu dans six pays : la continuité a été assurée au Salvador, au Mexique, en République dominicaine et au Venezuela, tandis que le Panama et l’Uruguay ont choisi l’alternance. Lors des élections infranationales au Brésil, au Costa Rica, au Chili et au Mexique, une faible représentation féminine a été constatée. Des élections sont prévues en 2025 en Bolivie, au Chili, en Équateur, en Haïti, au Honduras et au Guyana. L’ALC compte l’une des plus fortes proportions de population vivant sous des régimes démocratiques électoraux (62 %), bien que le populisme et les tensions institutionnelles soient très présents.

Paix régionale

La région conserve une vocation pacifiste formelle, exprimée par le Traité de Tlatelolco (1967) et la Proclamation de la CELAC comme Zone de Paix (2014). Toutefois, elle n’est pas exempte de conflits diplomatiques et de tensions politiques internes.

Relations avec les États-Unis et la Chine

La politique américaine s’est orientée vers le protectionnisme et la pression unilatérale, avec des tarifs douaniers, des sanctions et des mesures anti-immigration, dans le cadre de l’idéologie « America First » et de la réactivation de la Doctrine Monroe. En revanche, la Chine a renforcé son rôle dans l’ALC en tant que partenaire commercial et financier, notamment avec le Brésil, l’Argentine, le Chili et le Pérou. Par le biais de l’Initiative de la Ceinture et de la Route (BRI), plus de 20 pays ont reçu des investissements dans les infrastructures et l’énergie. Toutefois, cette relation comporte des risques de dépendance et exige une diversification de la coopération vers la science, l’innovation et les énergies propres.

Transition énergétique : opportunités et défis

L’ALC dispose de conditions exceptionnelles pour diriger la transition énergétique, grâce à son potentiel solaire, éolien, hydroélectrique et géothermique. Cependant, la région dépend encore fortement des hydrocarbures fossiles. Pour avancer, il est nécessaire d’investir dans les infrastructures, d’améliorer les contrats miniers, de respecter les communautés locales, et de garantir l’accès au financement et aux technologies propres. La participation locale dans les chaînes de valeur des technologies vertes (comme les batteries pour véhicules électriques) est essentielle.

Organismes multilatéraux régionaux

La région compte l’un des plus grands nombres d’organismes multilatéraux, dont beaucoup se sont révélés peu efficaces. La CELAC, l’OEA, le MERCOSUR, l’Alliance du Pacifique, l’OLADE et la CARICOM sont confrontés à des limitations institutionnelles et politiques. Leur renforcement exige une volonté politique, des décisions inclusives et une intégration fondée sur des objectifs communs. À l’heure actuelle, leur fragmentation rend difficile l’élaboration de réponses régionales coordonnées face aux défis mondiaux.

Présence européenne et nouveaux acteurs

Outre les États-Unis et la Chine, des puissances européennes comme la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas maintiennent une présence dans la région, notamment dans les Caraïbes. La France participe en tant qu’observateur à la CARICOM, en soutenant des initiatives environnementales et éducatives. Le Royaume-Uni conserve des liens avec cinq territoires caribéens, et les Pays-Bas avec six îles et trois municipalités spéciales, par le biais de l’aide au développement et de la coopération en matière de sécurité.

Conclusion

L’ALC est confrontée à une agenda complexe, où se croisent défis structurels et mutations mondiales. La résilience régionale nécessite des alliances stratégiques avec des acteurs globaux, des progrès concrets dans la mise en œuvre des ODD, une transition énergétique juste, et un renforcement des mécanismes multilatéraux. Cependant, l’absence de leadership régional — ni le Brésil ni le Mexique ne parviennent à conduire un processus d’intégration — affaiblit les perspectives de coopération. La région a besoin d’investissements accessibles et de transferts technologiques pour accroître la valeur ajoutée de ses exportations et réduire sa vulnérabilité géopolitique. Grâce à des accords respectueux de la souveraineté et à une coopération horizontale efficace, l’ALC peut se projeter comme une région plus juste, plus intégrée et plus compétitive.

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