Redéfinir les relations commerciales et économiques sino-européennes dans un contexte d’incertitude croissante
Géopolitique
La Chine et l’Union européenne jouent un rôle fondamental en tant que piliers du système économique mondial.
En termes de taille économique, l’UE et la Chine sont respectivement les deuxième et troisième plus grandes économies mondiales. Selon les données du Fonds monétaire international, le PIB de l’UE a atteint 19,4 000 milliards de dollars en 2024, tandis que celui de la Chine s’élevait à 18,7 000 milliards de dollars la même année, représentant ensemble plus d’un tiers (34,5 %) de l’économie mondiale.
En termes d’échanges commerciaux, la Chine et l’UE sont les premier et deuxième partenaires commerciaux mondiaux pour les échanges de biens. Selon l’Organisation mondiale du commerce, en 2024, le volume des échanges de biens de la Chine a atteint 6,2 000 milliards de dollars, celui de l’UE 5,4 000 milliards, représentant ensemble près de 30 % (28,6 %) du commerce mondial des biens. Pour le commerce des services, l’UE et la Chine sont respectivement les premier et troisième partenaires mondiaux. En 2024, le commerce des services de l’UE s’élevait à 3,1 000 milliards de dollars, celui de la Chine à 1,1 000 milliards, totalisant plus de 30 % (30,4 %) du commerce mondial des services.
Actuellement, la Chine est un pays à revenu intermédiaire avec un PIB par habitant de 12 600 dollars. Fin 2024, le nombre total de personnes à revenu intermédiaire atteignait 420 millions, et devrait croître jusqu’à 550 millions d’ici 2030. Les 27 États membres de l’UE sont tous des pays à revenu élevé, la Bulgarie ayant le PIB par habitant le plus bas (16 000 dollars) et le Luxembourg le plus élevé (129 000 dollars). La population européenne a atteint 450 millions en 2024, soit une hausse de 0,4 % par rapport à 2023. Ainsi, en termes de taille économique, de marché et de potentiel de consommation, la Chine et l’UE sont deux acteurs majeurs qui influenceront la gouvernance économique mondiale. Leur coopération constitue non seulement une opportunité importante pour leur développement économique respectif, mais aussi un moteur clé pour la croissance inclusive de l’économie mondiale.
Des relations économiques et commerciales sino-européennes confrontées à de grands défis
La pandémie de COVID-19, le conflit entre la Russie et l’Ukraine, ainsi que les droits de douane réciproques imposés par les États-Unis ont eu des répercussions continues sur les relations économiques et commerciales sino-européennes, entraînant une profonde reconfiguration ces dernières années.
Le commerce mondial fait face à une incertitude croissante. La mise en place par les États-Unis d’un tarif douanier réciproque de 10 % sur tous ses partenaires commerciaux constitue la principale source d’incertitude pour le commerce mondial. La Chine et l’UE, en tant que premiers acteurs du commerce mondial, ont un commerce (biens et services) représentant respectivement 39 % et 45 % de leur économie. L’abus des tarifs douaniers par les États-Unis affecte fortement la Chine et l’UE, dont la croissance économique dépend largement du marché international. En avril 2025, l’Organisation mondiale du commerce a prévu une baisse de 0,2 % des flux commerciaux mondiaux cette année, soit près de trois points de pourcentage de moins que si la politique commerciale n’avait pas changé. Si les tarifs réciproques suspendus sont rétablis après le 9 juillet et que l’incertitude s’étend, les flux commerciaux mondiaux pourraient chuter de 1,5 % en 2025.
Les relations économiques sino-européennes sont de plus en plus influencées par des facteurs non économiques. Actuellement, des éléments tels que la correction politique, les considérations de sécurité et la compétition technologique influencent les politiques commerciales de l’UE envers la Chine. Sous l’effet de ces facteurs, les exportations européennes vers la Chine ont fortement souffert, notamment les contrôles à l’exportation de produits de haute technologie comme les puces électroniques, et la baisse des exportations de produits chimiques et énergétiques liée à la perte de compétitivité face à la hausse des coûts énergétiques. Par ailleurs, la politique européenne de « réduction des risques » (« de-risking ») vis-à-vis de la Chine s’est renforcée, avec une protection accrue du marché intérieur via des outils de défense commerciale, tels que le filtrage des investissements étrangers, la régulation des subventions étrangères, et l’instrument d’achat international, limitant les opérations des entreprises chinoises en Europe, ce qui impacte fortement les échanges commerciaux et investissements chinois en Europe.
Un important décalage dans la perception mutuelle entre la Chine et l’UE
Au début du XXIe siècle, l’UE considérait ses relations avec la Chine comme un partenariat stratégique global. En 2019, cette perception a évolué vers une position tripartite : partenaire de coopération, concurrent économique et rival systémique, pour ensuite adopter depuis 2023 une politique de « réduction des risques », notamment dans les domaines des matières premières critiques et des technologies sensibles telles que les semi-conducteurs, la biotechnologie, l’intelligence artificielle et la technologie quantique. De son côté, la Chine met en avant quatre grands partenariats : paix, croissance, réforme et civilisation, ainsi que trois forces majeures : deux grandes puissances favorisant la multipolarité, deux grands marchés soutenant la mondialisation, et deux grandes civilisations promouvant la diversité. Ces divergences dans les positions mutuelles se traduisent par des différences croissantes de perception sur les questions économiques et commerciales, éloignant les relations sino-européennes du partenariat de près de 50 ans fondé sur la mondialisation.
Redéfinir les relations économiques et commerciales sino-européennes pour l’avenir
Cette année marque le 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et l’UE. Au cours de ces 50 années, les relations économiques et commerciales sino-européennes ont connu des progrès considérables, consolidant leur statut de partenaires économiques et commerciaux importants. Entre 1975 et 2024, le volume des échanges de biens entre la Chine et l’UE est passé de 2,4 milliards à 785,8 milliards de dollars, et les investissements bilatéraux ont atteint 260 milliards de dollars, avec un investissement direct chinois annuel moyen en UE d’environ 7,6 milliards de dollars ces cinq dernières années, équivalent au niveau d’investissement direct de l’UE en Chine.
Pour l’avenir, les perspectives restent prometteuses à condition que les deux parties avancent ensemble sur trois axes :
- Renforcer la position de partenariat
La Chine, l’UE et ses États membres doivent renforcer la communication stratégique et le partenariat à tous les niveaux afin de combler les divergences dans leurs relations. Encourager et soutenir les échanges bilatéraux entre think tanks, entreprises, sociétés civiles et médias pour bâtir une confiance mutuelle. Réduire les effets négatifs de la politique de « réduction des risques » de l’UE à l’égard de la Chine sur leurs relations économiques et commerciales. - Renforcer la coordination multilatérale
La Chine et l’Europe sont à la fois bénéficiaires et défenseurs solides de la mondialisation économique et de la libéralisation commerciale. Elles doivent ensemble défendre un système commercial multilatéral centré sur l’OMC, accélérer sa réforme, relever les défis globaux comme le changement climatique, et promouvoir une mondialisation économique inclusive, plutôt que de coopérer uniquement avec des pays partageant les mêmes vues. - Explorer de nouveaux modèles de coopération verte
La Chine et l’Europe doivent encourager une coopération localisée en commerce et investissement, promouvoir l’intégration des entreprises dans les chaînes de production et d’approvisionnement respectives, ouvrir les marchés et créer un environnement commercial équitable. Elles doivent permettre aux entreprises d’approfondir leur présence mutuelle, participer à parts égales aux marchés d’approvisionnement et opérations, et encourager la collaboration dans la recherche technologique, la formation des talents, la logistique et la résilience des chaînes d’approvisionnement.