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La nature au bilan – la solution fondamentale à la crise de la nature


Crises environnementales et limites planétaires
Le monde n’a pas encore pleinement pris conscience de l’ampleur de la crise à laquelle nous faisons face, causée par l’effondrement de la nature. Le système naturel stable et résilient est le fondement même de notre prospérité, mais notre système économique actuel a consommé cette base à un point irréversible. Les scientifiques nous alertent depuis longtemps : nous avons dépassé plusieurs limites du système planétaire et il ne nous reste plus beaucoup de temps si nous voulons changer de cap pour revenir dans la zone de sécurité de la Terre.
Les crises environnementales que nous vivons — qu’il s’agisse du changement climatique, de la perte de biodiversité, du stress hydrique, du changement d’usage des terres ou de l’acidification des océans — témoignent du conflit entre le système économique et le système planétaire. Autrefois, la planète Terre était vaste tandis que notre monde économique était restreint, si bien que notre impact sur la planète était limité et insignifiant. Aujourd’hui, nous avons atteint un développement économique remarquable — au prix de la santé de la Terre — et nous avons atteint la capacité de charge du système planétaire. Si nous poursuivons sur cette trajectoire, nous dépasserons bientôt la zone de sécurité, qui ne pourra plus soutenir le bien-être humain comme auparavant.

Transformer le système économique actuel
La seule manière de nous sauver d’une telle tragédie est de transformer notre système économique actuel pour que nous puissions vivre en harmonie avec la nature. Comment y parvenir ? Le problème fondamental de notre système économique actuel est qu’il ne prend pas en compte la valeur totale de certains types de capitaux, notamment le capital naturel. Cela ne posait pas problème lorsque nos activités économiques étaient relativement petites et que le système naturel était grand. La nature semblait abondante et nous l’avons exploitée comme un bien gratuit. Mais la situation a complètement changé depuis un demi-siècle. Nous assistons à une intensification du changement climatique et à une accélération de la perte de nature, ce qui affecte notre vie quotidienne. Il est temps de reconnaître qu’un changement fondamental est nécessaire pour mettre à jour notre système économique et prendre en compte la pleine valeur de la nature dans nos décisions économiques, qu’il s’agisse de production, consommation ou investissement.
Mais comment accomplir cette tâche herculéenne alors que la réalité est que la nature n’est pas encore intégrée dans nos décisions économiques en tant que capital valorisé ? Il y a beaucoup de discussions et d’efforts pour protéger la nature et mobiliser des financements pour la nature. Cependant, le fait est que les financements pour la nature sont actuellement limités à seulement 154 milliards de dollars, dont 80 % proviennent des financements publics. Le financement privé est encore plus limité, à plus petite échelle et fragmenté. Les gouvernements ont établi des zones protégées, mais une grande partie de la perte de nature se produit en dehors de ces zones.

Il faut noter que ces dernières années, de grands efforts ont été faits pour évaluer et divulguer la valeur économique du capital naturel. Le TNFD a fait un pas significatif après un effort similaire du TCFD. Plusieurs municipalités et entreprises progressistes ont commencé la comptabilité du capital naturel en utilisant le cadre UNSEEA. Cela reflète une prise de conscience croissante de la nécessité de gérer les risques liés à la perte de nature. Mais ces efforts ne font pas encore du capital naturel un actif dans la comptabilité financière.
Nous devons relever les défis fondamentaux derrière ces succès limités et changer la manière dont fonctionne notre système économique pour que nos décisions économiques prennent en compte la valeur complète du capital naturel.

La nature au bilan
Comment faire de la comptabilité du capital naturel une partie intégrante de la comptabilité financière, et non une information extra-financière ou un miroir de la comptabilité financière ? (Se référer à la Figure 1 jointe.)
Pour passer du « panier d’évaluation » et du « panier de quantification » vers le « panier de reconnaissance » de la Figure 1, il faut passer par certains événements déclencheurs comme des transactions de marché ou des contrats, afin que la valeur évaluée soit reconnue comme la valeur du capital financier. Ce chemin vers le panier de reconnaissance, qui remet en cause le système comptable existant, nécessite un changement coordonné de l’ensemble de l’infrastructure du marché, incluant les régulateurs de marché, les bourses, les banques centrales, les agences de notation ainsi que les acteurs des marchés financiers. (Se référer à la Figure 2 jointe.)
Le message clé est que pour changer la pratique comptable actuelle et valoriser pleinement le capital naturel comme un actif financier, un changement holistique de l’infrastructure du marché, au-delà du système comptable, est nécessaire. Cet objectif peut sembler naïf et impossible, mais sans transformer cet impossible en possible, nous continuerons à détruire le système naturel, fondement même de notre prospérité. Si le système comptable est une création humaine, pourquoi ne pourrions-nous pas le changer ?

Les bénéfices de ce changement
Ce changement apportera deux grands avantages. Premièrement, une fois que notre système économique et comptable valorisera la nature comme un actif financier, nous récompenserons les activités qui préservent la valeur de la nature et pénaliserons celles qui l’exploitent. Ces récompenses ou pénalités apparaîtront donc au bilan. Les activités qui augmentent la valeur de la nature seront financées à de meilleures conditions. Deuxièmement, dans ce système économique mis à jour, la récompense sera répartie équitablement à ceux qui protègent la nature mais n’ont pas été reconnus financièrement jusqu’ici. Les bénéficiaires incluront les peuples autochtones et les communautés locales, les forestiers, les petits exploitants agricoles et les pêcheurs locaux, véritables gardiens du capital naturel. Leurs efforts seront rémunérés économiquement, apportant la justice nécessaire à l’économie mondiale.


Note : « Nature on the Balance Sheet » est une initiative organisée conjointement et promue par l’auteure Naoko Ishii (Université de Tokyo), Mark Gough (Capitals Coalition), Guido Schmidt-Traub (Systemiq) et Martin R. Stuchtey (The Landbanking Group).

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