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Concevoir la résilience : une nouvelle architecture du G7 pour la sécurité économique


Au cours de la dernière décennie, les frontières entre politique économique et sécurité nationale se sont pratiquement estompées. Le commerce, la technologie, les investissements et les flux de capitaux sont désormais perçus non seulement comme des moteurs de croissance, mais aussi comme des leviers d’influence stratégique et des sources de vulnérabilité géopolitique. L’impératif de garantir la sécurité économique — c’est-à-dire la capacité à protéger le fonctionnement stable et la résilience des économies, des industries, des chaînes d’approvisionnement et des infrastructures critiques face aux chocs externes, à la coercition ou aux cyberattaques — est aujourd’hui au cœur de la diplomatie économique du XXIe siècle.

Alors que le Japon et l’Union européenne ont adopté des stratégies dédiées à la sécurité économique, aucun pays ne peut relever seul ces défis, et les institutions existantes ne fournissent pas de réponses adéquates. Il manque une architecture multilatérale cohérente et efficace en matière de sécurité économique, surtout à une époque où le multilatéralisme lui-même est en crise, et où l’administration Trump a perdu la confiance de ses partenaires traditionnels.


Plateforme du G7 : passer des paroles aux actes ?

L’intérêt du G7 pour la sécurité économique et la coercition n’est pas nouveau, mais constitue un pas dans la bonne direction. En 2023, tous les membres ont adopté des principes communs dans la Déclaration des dirigeants sur la résilience et la sécurité économiques, sous la présidence japonaise à Hiroshima. Ancrée dans le G7, l’initiative visait à élargir la coalition à des partenaires de confiance bien au-delà du groupe, y compris des pays en développement, pour réguler l’interdépendance à une époque de perturbations stratégiques.

Elle ciblait notamment :

  1. les pratiques non-marchandes de la Chine — à travers les chaînes d’approvisionnement, à une échelle inédite — destinées à créer des dépendances et à inonder les marchés d’une surcapacité subventionnée ;
  2. la coercition économique, surtout dans les minéraux critiques et les terres rares ;
  3. les vulnérabilités cybernétiques des infrastructures critiques ;
  4. la fuite de technologies sensibles et la nécessité de contrôler un ensemble restreint de technologies avancées essentielles à la sécurité nationale (via des contrôles à l’exportation, des restrictions aux investissements, etc.).

Bien que le sommet canadien du G7 n’ait pas abouti à une déclaration des dirigeants, la nécessité de poursuivre sur les bases établies en 2023 est plus pressante que jamais. La France, qui présidera le G7 en 2026, devrait saisir cette occasion pour renforcer la sécurité économique collective.


Le rôle central de la Plateforme de coordination du G7

La Plateforme de coordination du G7 sur la coercition économique doit institutionnaliser des approches communes : filtrage des investissements, contrôle des exportations, diversification des chaînes d’approvisionnement — au sein et au-delà du G7. Elle doit passer de l’échange d’informations à une dissuasion collective effective, en contrant activement l’arme que constitue la vulnérabilité économique. Cela implique non seulement des mesures défensives mais aussi des investissements proactifs dans la résilience, malgré des budgets contraints.


Face aux chocs chinois et aux cybermenaces croissantes

Des événements récents montrent l’urgence de cette architecture. La question est de savoir si un mécanisme ancré dans le G7 peut catalyser l’action collective.

  • La domination de la Chine dans les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques (notamment les terres rares) lui donne un pouvoir de coercition mondiale. Ses récents contrôles à l’exportation sur les terres rares nécessaires aux aimants illustrent cette réalité. En réponse, le Canada a lancé un Plan d’action du G7 sur les minéraux critiques.
  • Pour contrer les pratiques d’investissement chinoises faussant le marché, le G7, l’Australie, l’Inde et la Corée du Sud s’allient pour évaluer les coûts réels de l’extraction et du commerce responsables.
  • Mais les sous-investissements dans le raffinage et la concurrence des acteurs chinois déséquilibrent les calendriers et les coûts face à l’urgence.
  • La deuxième menace est la surcapacité chinoise. Actuellement, les États réagissent individuellement avec des droits de douane, mais une coordination multilatérale fait défaut.
  • Enfin, les cyberattaques soutenues par des États contre les infrastructures critiques sont en hausse. Il n’est pas certain que les plans actuels suffisent à dissuader ou répondre efficacement.

Crise de confiance : les États-Unis, partenaire incertain ?

Un déficit de confiance croissant vis-à-vis des États-Unis complique les efforts du G7. Le retour de Donald Trump marque un désengagement accéléré des structures multilatérales, la remise en cause des traités commerciaux et la méfiance à l’égard des alliés. La sécurité économique devient un levier de négociation, et non un objectif partagé. Pire, l’alignement de l’administration avec certains rivaux affaiblit les fondements mêmes des alliances.

Face à cela, l’urgence est de bâtir une architecture de sécurité économique indépendante de tout acteur unique, même des États-Unis. Le « America First » risque de devenir un « America Alone ». Si la participation américaine renforcerait la Plateforme de coordination du G7, son absence ne doit pas freiner les progrès.


De la parole à l’action

Le G7 et ses partenaires ont aligné certains outils de diplomatie économique, mais leurs efforts restent fragmentés. Sans mécanismes robustes de coordination, la résilience restera un slogan. Chaque pays du G7 devrait adopter une stratégie nationale de sécurité économique, intégrée à l’architecture collective.

Le G7 devrait ancrer cette plateforme dans l’OCDE, qui dispose des capacités et de la continuité pour soutenir la normalisation, le partage de bonnes pratiques et l’adaptation aux menaces.


Une architecture inclusive et soutenue

  • Les économies émergentes doivent être co-architectes, pas seulement destinataires de règles.
  • Les partenariats existants (comme le Minerals Security Partnership) devraient inclure plus de voix régionales.
  • Le secteur privé doit aussi être impliqué : la sécurité économique nécessitera d’énormes investissements privés. Il faut aligner les incitations publiques et privées par des réformes réglementaires, des politiques fiscales, des garanties, des contrats publics, etc.
  • Les institutions financières internationales (FMI, Banque mondiale) doivent être réorientées pour soutenir la résilience (ex : traitement des terres rares en Afrique, infrastructures numériques en Asie du Sud-Est).
  • Un exemple : le partenariat RISE (Resilient and Inclusive Supply Chain Enhancement), soutenu par les ministres des finances du G7, pour promouvoir des activités minières responsables.

Un nouveau Bretton Woods ?

Comme le système de Bretton Woods après-guerre a structuré la finance mondiale, le monde d’aujourd’hui exige une nouvelle architecture pour la sécurité économique, qui reflète l’interdépendance stratégique. Le défi est de bâtir une telle architecture résiliente, multilatérale et opérationnelle, sans dépendre d’un seul pays.

La présidence française du G7 en 2026 a une opportunité historique d’en poser les fondations.

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