Un événement du Cercle des économistes
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Par Élisabeth Moreno, Ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances

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À la racine des enjeux auxquels nos sociétés sont confrontées aujourd’hui, et qui figurent au cœur du programme de cette édition 2021 des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, réside la notion d’inégalités. La crise sanitaire que nous traversons depuis 2020 et dont la parenthèse n’est pas encore refermée en a constitué à la fois un miroir grossissant et un catalyseur. Révélées et aggravées par la pandémie, les inégalités sont légion, s’accroissent et sont de plus en plus visibles. Ce faisant, au- delà des injustices individuelles qu’elles engendrent, mises bout à bout, elles minent aussi notre cohésion sociale. Par ricochet, ce « scandale des inégalités » constitue, pour paraphraser Edgar Morin, un « danger pour l’humanité ». Danger auquel la société française, passionnée d’égalité depuis que la Révolution l’a portée aux nues, n’échappe pas.

Dans notre pays, les inégalités – réelles ou ressenties – sont insupportables. Peut-être plus qu’ailleurs, elles suscitent l’indignation et sapent notre démocratie de l’intérieur. Cette rupture du pacte républicain – censé nous lier les uns aux autres – explique la perte de confiance en la parole et l’action publiques. La crise des « Gilets jaunes » ou l’abstention électorale constituent autant de stigmates visibles de cette défiance qui s’est installée peu à peu entre les citoyens et leurs représentants. Des stigmates qui, en réalité, ne datent pas d’hier mais dont la crise sanitaire a sans nul doute renforcé l’intensité.

Si les inégalités ont un prix politique, à savoir la mise en danger de notre démocratie et le délitement de notre cohésion nationale, elles ont aussi un coût économique et social. De nombreux économistes ont mis le doigt sur l’explosion des inégalités de revenus et la précarisation croissante observée ces dernières décennies des plus bas salaires et des classes moyennes. Une situation qui contrevient à la croissance économique et qui, si elle affecte l’ensemble du corps social, touche en premier lieu les jeunes, les femmes et les personnes issues de la diversité.

C’est dans ce contexte que le Gouvernement s’est notamment engagé en faveur des plus précaires et de la jeunesse, racine de notre avenir, en dédoublant les classes en grande section de maternelle et en CP-CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire et en mobilisant quinze milliards d’euros à travers le plan d’investissement dans les compétences pour former un million de demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés ainsi qu’un million de jeunes éloignés du marché du travail. C’est aussi l’esprit de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté ainsi que du comité interministériel à la ville qui aspire à améliorer la vie quotidienne des habitants des 1 514 quartiers prioritaires de notre pays.

L’égalité des chances passe aussi par la lutte contre les discriminations. En 2016, France Stratégie a mesuré leur coût. Les résultats de cette étude sont éloquents et nous révèlent que l’enjeu de l’élimination des discriminations n’est pas anodin mais au contraire considérable puisque leur facture se hisserait à environ 150 milliards d’euros. Autrement dit, lutter contre les discriminations nous permet de conjuguer compétitivité et justice sociale, deux enjeux trop longtemps restés opposés. C’est pourquoi, en plus de notre arsenal juridique déjà étoffé, à la suite des engagements pris par le Président de la République, le Gouvernement a lancé en 2021 une plateforme de lutte contre les discriminations, confiée au Défenseur des droits, ainsi qu’une consultation citoyenne sur le sujet.

Qu’elles soient de genre, dans l’accès à l’emploi, aux soins, à l’éducation ou en matière de revenus, les inégalités ont un coût qui polarise notre société, qui la rend éruptive – comme le souligne la tension qui a gagné notre débat public – et face auxquelles nous ne pouvons détourner le regard. L’exaspération et la résignation qui emplissent une partie de nos concitoyens doivent nous inviter à agir. Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins, à un moment de vérité pour notre société. Aujourd’hui mis à mal, notre modèle républicain se dissout dans l’inaction. Résorber les inégalités, c’est au contraire le faire vivre.

C’est pourquoi Emmanuel Macron a souhaité mettre au cœur des priorités de son mandat l’enjeu de la lutte contre les inégalités. Sur le plan international, en l’inscrivant au centre de l’agenda du G7 de Biarritz en 2019, ainsi qu’en France en en faisant un axiome de nos politiques publiques. Lutter contre les inégalités, se battre pour abolir les discriminations, c’est en fin de compte réconcilier l’idéal républicain avec notre société contemporaine. Comme le disait Frantz Fanon : « chaque génération doit découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ». À nous de la remplir pour retisser les fils qui nous lient.