1 Jan 1970
Le marché mondial du travail au risque du protectionnisme
Débat 5

Doit-on protéger le marché du travail du commerce international, des délocalisations, voire des migrations internationales ?
Avec l’émergence de nouvelles puissances industrielles à la main d’oeuvre (notamment non-qualifiée) abondante et bon marché, la mise en concurrence des salariés des économies avancées avec cette nouvelle offre de travail est souvent interprétée comme la cause des difficultés rencontrées par nos marchés du travail. Faut-il alors s’en protéger ? Mettre des obstacles à l’arrivée de travail bon marché contenu dans nos importations de biens et services ? Faut-il freiner les délocalisations de nos entreprises à la recherche non seulement de nouveaux marchés mais aussi de coûts de production plus bas ? Faut-il renoncer à l’immigration de travailleurs étrangers ? En 1995 le prix Nobel Paul Krugman soutenait la thèse selon laquelle c’était le progrès technique, plutôt que le commerce, qui poussait à l’accroissement des inégalités de salaire. Les effets de la spécialisation intersectorielle prédits par la théorie n’avaient pas l’ampleur suffisante pour rendre compte de la variation observée des écarts de salaires entre qualifiés et non qualifiés. Deux décennies plus tard, force est de constater que le diagnostic doit être nuancé : fractionnement des chaînes de valeur entraînant une demande accrue de qualifiés y compris dans les pays à bas salaires, déplacement des emplois au sein des branches industrielles plutôt qu’entre secteurs, enfin polarisation des salaires aux dépens des classes moyennes. Si le commerce international a pu contribuer à ouvrir l’échelle des salaires ou à développer le chômage dans certaines économies avancées, c’est qu’il impose des réallocations massives de ressource non pas seulement entre secteurs mais au sein de ceux-ci, et que nos sociétés, nos institutions y sont diversement préparées.