Eurozone : de la stabilisation à la croissance

« La croissance en Europe est fragile : il faut trouver les moyens de l’encourager ». C’est en citant Christine Lagarde, intervenant plus tôt ce dimanche, que Vincent Giret (Le Monde) ouvre ce dernier débat. Selon Michel Barnier et Jacques de Larosière, la stabilisation étant confirmée, c’est une phase proactive qu’il faut désormais engager. Si les outils à mettre en place pour atteindre cet objectif font l’unanimité, les méthodes et les échéances, elles, divisent.

Michel BARNIER - Commissaire européen au Marché intérieur et aux services

Michel BARNIER – Commissaire européen au Marché intérieur et aux services

Les carburants. Selon Michel Barnier, si la sortie de route a été évitée il y quatre ou cinq ans, c’est que les objectifs de redressement budgétaire et de gouvernance de la zone euro ont été atteints. « Mais c’est insuffisant si l’on veut passer de la stabilisation à la croissance », explique le Commissaire européen. Pour lui, le premier carburant dont les consommateurs et les entreprises ont besoin pour leur projet, si l’on souhaite passer du diagnostic aux propositions, c’est d’un grand programme d’investissement en commun. D’un emprunt mutualisé pour investir. « Mais pas seulement dans les routes propres ou l’innovation technologique. Il faut aussi investir dans le capital humain, l’enseignement, la Recherche et le Développement ». Le deuxième carburant consisterait en une facilitation de l’accès des PME aux produits boursiers, associée à un développement de la bonne titrisation. M. Barnier se range ainsi du côté de Michel Sapin, qui remettait au cœur des priorités le financement des PME et des PMI plus tôt dans la journée: « un financement difficile dans des pays ‘‘convalescents’’ ».

Débrider le moteur européen, trouver un cap. Michel Barnier file la métaphore automobile : « pour débrider, cela dépend de chaque pays européen, puisqu’on n’a pas tous les mêmes handicaps. Mais en tout cas la route doit être lisse ». Or, le marché unique est selon lui trop fragmenté. Le cap, enfin, est le dernier élément fondamental à déterminer : il faut ajouter à la politique budgétaire une politique économique. « C’est à dire qu’il faut réfléchir ensemble – ce qu’on n’a jamais vraiment fait – à ce que nous voulons produire et à l’endroit où nous voulons nous rendre, ensemble. On ne peut pas se contenter d’une politique budgétaire ou d’une gestion de crise ».

Jacques de LAROSIÈRE - Président d'EUROFI

Jacques de LAROSIÈRE – Président d’EUROFI

Un policy mix à revoir. Si Jacques de Larosière partage les pistes évoquées par Michel Barnier, il noircit davantage le tableau. L’Eurozone n’a pas le bon policy mix selon lui. Puisque la politique budgétaire exerce un effet restrictif sur l’économie globale de la zone euro, la politique monétaire devrait logiquement opérer un effet expansif pour contrebalancer. A fortiori lorsque l’on sait qu’elle est en deçà de son objectif d’inflation. Or malgré les mesures « accommodantes et courageuses » prises par la BCE, selon les propres mots du Président d’EUROFI, l’effet de cette politique monétaire apparemment très expansive n’est précisément pas… expansive. « Un point insuffisamment souligné » regrette-t-il.

Redonner vie à la titrisation des crédits PME. Sur le fond, les deux intervenants s’accordent. « A défaut d’un assouplissement des règles qui pèsent sur les banques – assouplissement que personne, ni moi, ne préconise – précise l’ancien directeur général du FMI, il faut redonner vie à cette titrisation ». Pourquoi ? Car, toujours selon Jacques de Larosière, « les PME sont le moteur de la croissance européenne ». Il faut pour cela faire sauter les verrous existants, « ce que la commission a le pouvoir de faire », ne manque-t-il pas d’ajouter, en s’adressant à Michel Barnier. Ce dernier n’attend pas pour répondre : si l’objectif est louable, les moyens pour l’atteindre ne seraient pas si simples à mettre en œuvre. Premièrement parce que la fragmentation du marché de la titrisation « empêche une bonne évaluation du risque PME », assure le Commissaire européen. Mais aussi à cause des difficultés juridiques auxquelles ferait face la Commission, empêchant une mise en place rapide des réformes souhaitées. Des difficultés que le Président d’EUROFI, bien qu’avouant « ne pas [être] juriste », finira par contester, concluant ainsi ce dernier débat.

Mélina Huet